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Loin vers l'est
Ma journée méritant amplement qu'on n'en parle pas, une petite photo de loin, loin vers l'est, puisqu'à la limite est de la ville de Kyoto.
La montée vers le Kyomizu-dera, août 1998.
Après tout, si France Info fait sa semaine du japon, pourquoi je n'en ferais pas un peu aussi... D'autant que je dois m'occuper demain matin d'une visio-conférence avec l'université de Keio - plus à l'est, plus au nord.
J'ai déjà parlé du Kyomizu-dera - le temple préféré des Kyotoïtes, quoique solidement méprisé des guides touristiques européens - pas assez zen, pas assez ceci, trop celà... À ne rater sous aucun prétexte. Cette histoire de zen, c'est très surfait, de toute façon.
Le Plume vous salue bien.
Le petit train (mais pas dans la campagne)
Le Japon fait partie de ces rares pays où les transports collectifs l'emportent sur la voiture - et de loin, qui plus est. Les lignes s'entrecroisent, avec de nombreuses petites lignes à voie métrique faisant concurrence aux compagnies historiques. Ce n'est pas nécéssairement d'une efficacité socio-économique redoutable, mais ça en fait un paradis pour les amateurs de trains, espèce à laquelle appartient votre humble serviteur.
La ligne Keifuku, que voici, est l'une des plus microscopique : des rames d'une seule voiture, à deux essieux ; un autobus sur rail, finalement. Je ne me souviens plus de son itinéraire exact, mais il me semble qu'elle traverse les quartiers nord de Kyoto. Nous l'avions pris, je crois, pour nous rende au Kinkakuji - ou était-ce au Ryoanji ?
Rame d'une petite ligne à voie métrique du nord de Kyoto (Keifuku) à son terminus d'Arashiyama.
Évidemment, on ne saurait dire de ce petit train qu'il roule dans la campagne : il ne sort pas de Kyoto. Son terminus étant proche de la zone des temples, il bénéficie peut-être d'un petit peu de verdure...
Sinon, chronique de notre hyperactivité culturelle de ces derniers jours :
- mardi soir, chouette concert de Paris Combo au Grand Rex. Même si le dernier album n'est pas au niveau de l'excellent Living Room ou de l'album Paris Combo, ça faisait un très bon moment, d'autant précisément que la programmation du concert mélangeait parfaitement les différents albums. Et puis, le Grand Rex, c'est certes peu propice à l'agitation, mais c'est une belle salle, et on a quand même tous passé debout la dernière demi-heure du concert.
- hier soir, à la galerie ÉOF (rue Saint-Fiacre, à deux pas du Rex), une lecture de poésie organisée par l'association franco-américaine Double change, lecture mixte : un poète français suivi d'un poète américain accompagné d'un traducteur. En l'occurence, une belle affiche. Jacques Roubaud (chaque fois que je fais une crise de « la littérature française est morte », je me soigne à coup de « oui, mais Jacques Roubaud... ») a lu des œuvres récentes, souvent drôles, mais pas seulement ; puis Keith Waldrop, avec sa barbe vénérable, a lu des extraits de son The Real Subject: Queries and Conjectures of Jacob Delafon With Sample Poems, dont le titre est tout un programme. Des traductions, qui étaient lues en alternance avec les originaux, mieux vaut ne pas trop parler. Le traducteur parlait d'un « travail en cours, » ce qui me semble bien optimiste vu l'ampleur des dégats.
Me voilà culturé pour un moment. Il est donc temps que j'aille me faire fondre le cerveau auprès d'un feu de cheminée, ce qui est prévu à partir de dimanche.
Le Plume vous salue bien.
Sable
À l'exception du pavillon d'or, que j'avais montré en février dernier, j'ai plutôt évité les temples zen dans la sélection de photos du Japon que j'ai mises ici. En réaction sans doute à la dictature du zen dans l'imaginaire occidental du Japon, sans doute - alors que cette forme aristocratique du bouddhisme a je pense largement perdu sa pertinence dans le Japon d'aujourd'hui.
Mais ne pas parler du tout des fameux jardins de sable, tout de même... Qui sont techniquement des jardins de gravier, d'ailleurs. Il y en a de toutes les sortes, certains franchement grandiloquents, comme celui du Ginkakuji (le « pavillon d'argent ») et sa représentation des reflets de la lune sur la mer calme sur fond de Mont Fuji. Le plus célèbre est un des plus sobres, celui du Ryoan-ji : un enclos de trois vieux murs au crépi inégal, au sud d'un corps de bâtiment allongé. Dans ce rectangle, du gravier blanc parcouru des rayures du rateau et cinq groupes de rochers gris, « comme des îles ou comme des sommets de montagne émergant des nuages ».
Le jardin de sable du Ryoan-ji, août 1998.
C'est beau, c'est équilibré. Et le statut seul de ce lieu dans la culture mondiale fait qu'on ne peut que s'arrêter dix, quinze minute, et regarder - grand privilège : regarder, n'être pas censé faire quoi que ce soit d'autre que regarder.
Question méditation, la chose est un peu plus délicate dans la mesure où l'on fait fatalement partie d'un groupe d'au moins quelques dizaines de personnes en chaussettes et tout aussi perplexes que vous, quelle que soit leur nationalité, sur ce qu'elles devraient éprouver en ce lieu.
Voici donc, par exemple, l'interprétation qu'en fait Italo Calvino par l'entremise de Palomar, son personnage-observatoire :
Il préfère s'acheminer dans une voie plus difficile, chercher à saisir ce que le jardin zen peut donner à qui le contemple dans la seule situation où il peut aujourd'hui être vu, en tendant le cou parmi d'autre cous.
Que voit-il ? Il voit l'espèce humaine à l'époque des grands nombres, dans l'étendue d'une foule nivelée mais cependant toujours faite d'individualités distinctes comme cette mer de petits grains de sable qui couvre la surface du monde... Il voit le monde continuer, en dépit de tout, à exposer les cimes rocheuses de sa nature indifférente au destin de l'humanité, sa dure substance irréductible à toute assimilation humaine... Il voit les formes selon lequel le sable humain s'agrège et tend à se disposer, lignes en mouvement, dessins qui combines la régularité et la fluidité, comme les traces rectilignes et circulaires du rateau... Et, entre l'humanité-sable et le monde-rocher, il a l'intuition d'une harmonie possible comme entre deux harmonies non homogènes.
Italo Calvino, Palomar, trad. fr. Paris, Le Seuil, 1985, p.95 de l'édition de poche.
Évidemment, ça ne suffit pas : il faudrait prendre en compte les arbres, juste derrière le mur - et aussi l'étonnant jardin de mousse, pendant chaotique et verdoyant du jardin de sable, sur lequel s'ouvre la façade nord du même bâtiment.
Le Plume vous salue bien.
P.S. : vous trouverez un bout de plan de Kyoto dans la rubrique carte sur table. Pas le côté du Ryoan-ji, par contre ; plutôt celui du Kyomizu-dera.
P.P.S., note linguistique : ji et dera dans les noms de temple correspondent au même carractère qui signifie temple, justement. Le premier est la prononciation sino-japonaise du caractère, la deuxième la prononciation dite japonaise. Dérivation phonétique à partir d'un dialecte chinois, dans un cas ; placage du caractère sémantiquement approprié sur un terme japonais prééxistant, d'autre part. L'ennui évidemment c'est qu'un même caractère peut avoir été utilisé pour des raisons sémantiques comme composant de nombreux mots dont la prononciation n'a rien en commun...
Collection de sable
Kyoto est sans doute une des villes les moins maritimes du Japon. Les seuls îlots battus par les flots qu'on y trouve, ce sont les rochers du jardin de sable du Ryoanji.
Jardin de sable du Ryoanji, août 1998.
On avait contemplé ces rochers tout en lisant Italo Calvino dans une entrée d'il y a bientôt deux ans. Quelle serait la durée additionnée des instants passés par chaque spectateur à les regarder ?
Ajoutons qu'en temps linéaire usuel cette photo a, à deux semaines près, l'âge du fils aîné d'un ami que je vais revoir bientôt - l'ami, le fils et le reste de la famille. Voilà une nouvelle qui fait d'aujourd'hui une belle journée.
Le Plume vous salue bien.
Kyoto no eki
C'est la faute de Calinore : avec ses photos du Japon, elle m'a incité à me replonger dans les miennes, qui datent de ces trois semaines de l'été 1998 passées chez un ami cher, français de naissance, japonais par mariage et kyotoïte d'adoption.
J'en ai déja montré ici quelques unes, de ces photos, mais vu le nombre de rouleaux qui n'ont pas passé l'été, il en reste. Surtout que j'en avais profité pour m'acheter un appareil photo.
La gare de Kyoto, à l'heure où les lumières s'allument.
Allez, je vous laisse sur cette preuve qu'à Kyoto il y a d'autres choses que des temples. Demain, du plus traditionnel peut-être ?
Le Plume vous salue bien.